1 Juillet 2022
Qui est-ce qu’on écoute ?
Où est-ce qu’on se forme ?
De qui on s’inspire ?
Choisir. D’où on en prends, de la graine ! ♛
Observation | Journée de tournage face à une actrice de haut niveau
28 Juin 2022
HMC. Prague.
Tcha tcha. Je me sens comme dans un film, ouais ! c’est l’cas de l’dire.
Les caravanes avec le nom des personnages, l’espace régie.
Make up-costum’enfilage. Un van pour nous emmener sur le spot de tournage.
Ça parle anglais, ça parle vite, talkie-walkie à la ceinture, un écouteur à l’oreille, temps chaud et sec.
Bienvenue dans le monde du cinéma. Ça envoie !
Pause attente. Café. Tchatcher tchèque-danois-anglais.
Temps.
Une petite dame discrète, arrive accompagnée pour répéter, la scène. Bim. C’est en fait, Charlotte Rampling.
un gars avec un casque nous rejoint, et se présente, furtivement : “Hi, i’m the director”. Attentif à la scène “Well you’re okay ?” “Le plateau est bientôt prêt.” toujours, en anglais.
Arrivée sur le set, ma tête tourne, ça court, ça court partout. Grosse caméra, micro-brief-rapide-méca-action-ça roule.
Temps. Flou.
L’attention partout donne le tournis, ça bouge, ça tourne, la tête légère, en l’air, ‘faut redescendre la pression s’ancrer dans la terre, ne pas perdre pied. Choper un moyen de se concentrer.
Et puis le calme, l’observation peut commencer. À ma droite, cette petite grande dame assise, posée, dans ses pensées.
Ne parle pas
Ne me parle pas
Ne veux pas me parler ?
L’agitation reprends
Mon cerveau, me réponds doucement. Chuuuuuuuuuuuu-t, tranquille. Imite.
Intègre. Imprègne toi de son état.
La grande dame parle, son aura résonne, même sans mots elle capte, le tout, sans sortir de sa bulle protégée de l’avant-jouer. Prête à se dévoiler au clap d’envoi, mise à nue, moteur de départ, de l’action et du jeu.
Et là je me dis. Voici devant toi, une grande actrice. Profite.
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Petite pause. Temps. Attente.(s)
Entre le tourbillonnement de deux séquences.
On se parle. Dans la conversation, je lui fais part de quelques questionnements, admirant sa capacité, à chaque fois, de pouvoir se replonger dedans sans efforts apparents et facilement. Face au luxe du théâtre où chaque soir, on peut apprécier construire un fil rouge sans s’arrêter sous l’appel de l’action coupée.
On le sait que le cinéma c’est comme ça, mais en l’observant je me demandais comment prendre son pied sans être frustrée, épuisée et faire un max de prises tout en gardant le plaisir continuellement.
“Acting is seductive, et ça ronge“, me dit-elle.
“Le plaisir il n’est pas là (à cet endroit là) Peut-être pour certaines mais en tout cas, ce n’est pas mon cas.”
Des milliers de questions me viennent en tête et je me dis “Mais punaise, si après une carrière comme la sienne, elle kiffe pas …? Il est où son plaisir… à quelle(s) étape(s) ? à quel(s) endroit(s) ?”
mais autre chose m’accroche plus.
Elle ne dit pas “ça ronge” banalement, elle dit “ça r-O-O-O-O-N-N-N-N-ge“. Déjà que ce mot n’est pas anodin…
Mais comment ça “ça ROOOONGE” , je rétorque
Maitre Yoda face à la jeune padawan, ahah.
Les mains sur son ventre, elle débute une réponse “psychologiquement, physiquement, répondre aux demandes d’un réalisateur…” Coupées, on reprends !
Il y a un truc quand même entre les réals et les acteur.ices qui m’intrigue.
Ce rapport : je donne – je prends.
‘Y’a un petit côté dealer / client / Koltès… non ?
J’aimerais bien parler de ça avec des réals.
Avoir leurs points de vue.
ça m’éclairerais je pense.
Parce que j’ai ceux de mes potes comédien.nes mais pas les vôtres.
Réals si vous passez par là, arrêtez-moi sur insta, on se prend un café pour discuter.
Parce qu’on en parle pas assez souvent. De ça.
Et ça me passionne, pas toi ?
Parce que je repense au “ça ronge” (oui, ça va me travailler pendant longtemps)
Quand je l’observais elle, mais pas que, j’observe et je vois, pas toujours, hein ! Mais parfois. Que les réalisateur.ices ne se rendent pas compte de ce qu’ils prennent aux acteur.ices.
Oui, nous répondons aux désirs de l’imaginaire d’une personne et suivons sa ligne directrice. Certes.
Oui, nous ne sommes pas non plus aux mêmes postes, tout deux demandant à des niveaux différents. Certes.
Je me doute que les réals sont en général sur-bookés, avec beaucoup de choses importantes à gérer et sont souvent surmenés / sollicités.
Nous, on dit “oui” au projet parce qu’on veut croiser votre travail pour raconter, ensemble la même histoire. On deal avec nos émotions pour en fournir votre récit.
On part donc sur une collaboration de bonne augure. L’offre complétant la demande.
Mais de l’extérieur, ce que je vois, c’est quelqu’un qui vient ramasser son “dû”, parfois sans comprendre l’importance et la valeur de ce qu’il prends d’une personne qui se met à nu.
Alors il pille.
Venant chercher l’or dans les profondeurs de l’acteur.ice qui joue le jeu.
Or, ça se donne, ça ne se vole pas.
C’est un échange de confiance, ça ne se prends pas comme ça.
Et le don ultime, l’état de grâce, nait sûrement de ce rapport là.
Parce que sinon, j’pense que ça ronge, et la collaboration n’existe pas.
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Fin de journée.
Je constate qu’avec seulement une scène de quelques répliques et une journée de tournage dans les pattes, en rentrant à l’hôtel, j’étais éclatée. Un mal de crâne comme une gueule de bois.
Peut-être qu’attendre est plus demandant qu’acter ? Fausses excuses, du balais!
Elle, était au taquet.
Son dernier jour, pourtant, après 2 mois de tournage, me disait-elle
Et toujours prête à se donner. Dans le retour cam, bluffante.
Pas une prise moins investie ou teintée de fatigue.
En fin de journée ? la même énergie qu’au début, même si elle a avoué être aussi “un peu” fatiguée.
Alors, c’est quoi ?
On a 50 ans d’écart, tout pile
Où est le binz ?
Et là je repense à la condition physique.
L’endurance, la différence.
Je pensais que c’était qu’une question de disponibilité émotionnelle.
Oui, mais entre chaque prise, faut se préserver. Sans perdre cette qualité.
Cet autre aspect du travail m’apparaît plus clairement maintenant : l’endurance.
Parce que le tournage, c’est énergivore, il faut avoir du stock. Tenir sur la durée. Comme une course de fond, c’est endurer.
Il faut travailler physiquement.
S’entraîner à la disponibilité émotionnelle ne vaut rien si on ne travaille pas en même temps son endurance, concrètement.
Quand je parlais de la condition physique et mentale des acteur.ices, je pensais surtout à : tout mettre en place pour se préparer à être psychologiquement et physiquement prêt.e pour tout jouer. Et s’investir de tout son corps, Être d’une disponibilité absolue et travailler la possibilité d’ouvrir et de fermer les vannes aisément.
Il y avait une donnée à laquelle je n’avais pas pensé. L’uppercut du tournage même. Le K.O qui te prends par surprise.
Faut travailler son endurance. Physique. et son élasticité. Mentale.
Ne pas se laisser prendre par le manège du set, son rythme infernal, énergivore mais envoutant, si tu te laisse attrapé.e, t’es broyé.e. (rongé.e?) Tout le monde te parle – en même temps – faire le tri des infos – des retours différents – penser à tout. Où est placée la cam, partenaires, notes du réal, attention au micro, aux marques. Une blague qui passe, ti ris; des gens qui parlent, qui filent dans tous les sens, t’as vite fais de glisser et de perdre ta constance.
Le mental. Trouver le calme
Ah, charlotte, je comprends la préciosité de ta bulle.
Et je sais pas pourquoi, tout de suite, je pense à Bruce Lee.
Be Water, My Friend.
Empty your mind.
Be formless, shapeless, like water.
You put water into a cup, it becomes the cup.
You put water into a bottle, it becomes the bottle.
You put it into a teapot, it becomes the teapot.
Now water can flow or it can crash.
Be water, my friend.”
Travailler son mental. Travailler le focus. La concentration. La focalisation.
Détente tout’en gardant l’attention sans être enfermé.e.
being like water ?
C’est p’têtre la clé.
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